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Fréquence respiratoire : 1er signe vital chez la personne âgée
Bonjour,
Je suis étudiante en IPS (Nurse Practitioner) en Suisse. Mon point fort clinique est la gériatrie. J'ai une question au sujet de la fréquence respiratoire chez la personne âgée. Dans votre livre " L'Examen clinique de l'aîné", vous indiquez que la FR est le premier signe vital.
J'aimerai mieux comprendre pourquoi il s'agit du premier signe vital et pourquoi il est spécifique à la personne âgée? J'interprète que c'est une signe vital peut-être moins impacté que la TA ou FC par les médicaments ou le vieillissement et donc plus représentatif d'une péjoration de l'état de santé. Est-ce correct? Malheureusement, je ne trouve pas de réponse dans la littérature, ni même de spécificité quant à ce 1er signe vital chez la personne âgée dans les autres ressources d'examen clinique (Doyon, Bates). La fréquence respiratoire est malheureusement quasiment jamais prise (chez tous les patients) que ce soit en milieu hospitalier, EMS, Soins…
Bonjour madame Gindroz,
Merci pour votre question très pertinente. Votre interrogation sur la fréquence respiratoire (FR) comme "premier signe vital" chez la personne âgée touche à un aspect souvent sous-estimé de l’évaluation clinique en gériatrie.
Votre intuition est tout à fait juste : la fréquence respiratoire est souvent un indicateur plus sensible et plus précoce de décompensation aiguë chez la personne âgée, en comparaison avec d'autres signes vitaux comme la tension artérielle (TA) ou la fréquence cardiaque (FC).
1. Une sensibilité accrue aux situations aiguës
La littérature gériatrique montre que la FR est souvent le premier paramètre à se modifier en cas de détérioration clinique, notamment :
lors d’infections (p. ex. pneumonies silencieuses, qui ne présentent parfois ni fièvre ni tachycardie),
en cas d’infarctus du myocarde, où les manifestations peuvent être atypiques chez les personnes âgées (pas toujours de douleur thoracique ni de variations significatives de TA ou de FC),
face à un traumatisme (chutes, brûlures, accidents de voiture), où la FR se révèle parfois plus représentative de la gravité que la TA ou la FC.
2. Une meilleure réactivité face aux atteintes du système nerveux central
La personne âgée présente une réserve physiologique réduite. De ce fait, la FR est également très sensible à :
l’effet des médicaments sédatifs ou agissant sur le système nerveux central,
la douleur,
l’anxiété,
les déséquilibres métaboliques (acidose, sepsis…).
3. Appui dans la littérature scientifique
Vous avez raison de noter que la fréquence respiratoire est encore peu valorisée en pratique clinique, malgré les recommandations. Pourtant, plusieurs travaux, notamment aux États-Unis, ont mis de l’avant son importance dans :
les critères de triage gériatrique,
les algorithmes de détection précoce de décompensation (par ex. l’outil MEWS – Modified Early Warning Score – attribue un poids élevé aux variations de la FR).
Je vous invite à consulter le livre de référence “Hazard's Geriatric Medicine and Gerontology”, qui approfondit plusieurs de ces notions. Consulter aussi : nihms200895.pdf
4. En conclusion
La FR mérite d’être systématiquement mesurée pendant 60 secondes en particulier chez les aînés. Elle constitue un indicateur précoce, peu coûteux, non invasif, et souvent plus fiable dans un contexte gériatrique, où les présentations cliniques sont fréquemment atypiques.
Merci encore pour votre question, qui touche à un enjeu crucial de la clinique gériatrique.
Philippe