Bonjour,
J’aimerais beaucoup avoir votre opinion sur une situation. Je travaille auprès de personnes âgées avec déficit cognitif. Sur l’unité, la clientèle est très diversifiée (alzheimer, démences de tout genre, retards mentaux, etc)
Récemment, un homme avec démence frontale est placé sur notre unité et se met a embrasser et toucher les dames de façon intime . Je dois dire que nous sommes dans un petit milieu et qu’on connait cet homme comme étant quelqu’un de malveillant, pour être polie. Ces dames, ayant toutes une démence elles aussi, le prennent soit pour leur père, leur mari ou leur frère et se laissent embrasser ou toucher.
C’est devenu un débat sur l’unité car le personnel n’est aucunement d'accord de laisser faire (ca vient nous heurter dans nos valeurs) et les travailleurs sociaux et autres nous disent qu’on doit laisser aller que maintenant c’est comme ca en centre, que si personne n’a l’air mal a l’aise tout est permis ou presque!!!
J’aimerais vraiment avoir votre opinion là-dessus car chez-nous, on se pose beaucoup de questions.
Merci!
Manon Richard
Préposée aux bénéficiaires
Merci pour votre reponse,
je suis entièrement d'accord
Bonjour Madame Richard,
Je vous remercie pour votre question très pertinente. La situation que vous décrivez implique plusieurs facteurs complexes, notamment le respect de la dignité et de l'autonomie des personnes atteintes de trouble neurocognitif majeur, ainsi que la gestion des comportements inappropriés. Voici quelques éléments de réflexion et de conseils.
Les comportements de nature sexuelle chez les personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs, en particulier à des stades légers ou modérés, peuvent être difficiles à interpréter. Il est essentiel de comprendre que ces comportements peuvent être une manifestation de la maladie et non un reflet de la personnalité ou des intentions de l'individu. Lorsqu'on analyse les comportements sexuels, il faut s'assurer qu'il y ait un consentement de la part des personnes impliquées. Or, pour qu'il y ait consentement, une capacité à le manifester est nécessaire. Même si une personne atteinte de trouble neurocognitif majeur peut désirer une vie sexuelle, sa vulnérabilité due à ses problèmes cognitifs exige une vigilance accrue pour détecter son consentement, tant au niveau verbal que comportemental.
Dans ma pratique, j'ai été témoin de plusieurs situations et il est important d'intervenir dans l'intérêt des personnes impliquées, et non selon nos valeurs personnelles. Deux scénarios se présentent souvent. D'une part, lorsque la personne est à un stade léger de la maladie d'Alzheimer et exprime clairement ses besoins de nature sexuelle dans une relation consentante avec un autre résident au même stade, il convient de respecter les droits des personnes. D'autre part, si un résident à un stade avancé de la maladie initie des comportements sexuels avec plusieurs autres résident(e)s à des stades avancés de la maladie, il est alors nécessaire d'intervenir pour éviter ces comportements, en recourant par exemple à la diversion et des thérapies occupationnelles.
Les situations plus ambiguës sont celles impliquant des résidents à des stades modérés avec des difficultés de langage, mais des intentions plutôt claires au niveau comportemental. Celles-ci nécessitent une approche nuancée. Il faut alors tenir compte de la nature des comportements sexuels (s’embrasser ou relation complète) et de l'interprétation qu’en fait la famille (histoire de vie). Dans ces cas, il est fondamental de travailler avec les proches et en équipe interdisciplinaire.
Concernant la situation spécifique que vous avez décrite, je ne peux pas prendre position directement, faute de connaître toutes les variables. Cependant, j'espère que mes explications précédentes pourront vous orienter dans une direction...
Ceci dit, votre question soulève l’enjeu du travail d’équipe, le besoin de connaissances dans le domaine de la sexualité des personnes atteintes de troubles cognitifs, et d’avoir une politique interne sur ces enjeux. Il faut en effet s’assurer que les politiques de votre établissement en matière de consentement et de comportement soient claires. Il est également important de rester vigilant pour protéger les personnes vulnérables sans empêcher une intimité saine chez ceux qui, malgré leurs problèmes cognitifs, ont droit à leurs droits fondamentaux. À ce sujet, il y a de plus en plus d'écrits scientifiques dans le domaine de la sexualité portant sur les personnes homosexuelles et les personnes LGBTQ comme quoi leurs droits sont brimés en hébergement. On parle du phénomène du retour dans le placard, car elles ne peuvent plus exprimer leur intimité et leur sexualité, ce qui est aussi inacceptable.
Les gestionnaires doivent être sensibles à ces enjeux et un soutien psychologique approprié doit être fourni au personnel qui est mal à l’aise avec la sexualité entre résidents. Il est essentiel d'aborder ces situations avec compassion, en assurant la protection et le respect de tous les résidents. Chaque cas est unique et nécessite une approche personnalisée et multidisciplinaire.
Pour votre information, mon programme de formation de type multimodal comprend une formation sur l'enjeu de la sexualité entre les personnes avec troubles cognitifs. Si votre organisation y est abonnée, vous avez accès à cette formation.
3.06 : Les besoins sexuels et affectifs : l’enjeu des problèmes cognitifs
Sinon, je vous invite à visionner une vidéo sur ce sujet qui pourrait vous intéresser.
https://youtu.be/HTc6Gp4FEl8?si=9funvh7-NvQcCS1E
Merci pour votre question.
Philippe