Bonjour Philippe,
Nous avons une unité prothétique dont tous les résidents sont atteints de TNCM. Certains ont de grandes difficultés de mobilité et doivent utiliser des aides à la marche (fauteuil, marchette).
Le personnel infirmier, demandent que l'on installe des systèmes de détection (tapis/infrarouge) afin que les PAB puissent rapidement se rendre auprès du résident et l'accompagner en les suivant pas à pas pour les retourner à leur chambre/lit. Je suppose qu'il s'agit du critère "infrastructure adaptée" pour assurer la sécurité et le bien-être des résidents.
Cependant, j'ai l'impression que l'on ne va pas dans le bon sens, du fait que les résidents ne sont plus libres de leur déplacement, que les PAB les ramènent directement à leur chambre. Je crois que l'on doit tous adopter une attitude de gestion du risque, comme tu nous l'enseigne, en ne se précipitant pas auprès du résident qui vient de déclencher l'alarme (d'ailleurs, ça met tout le monde à cran, ces sons agressants).
Ma question; est-ce que l'on devrait, dans une unité prothétique, dissocier les résidents qui ont une difficulté de mobilité de ceux qui en ont moins ou pas, dans la perspective d'approche centrée sur la personne, afin de faire en sorte que les alarmes soient limitées aux personnes à haut risque de chute et que dans l'autre unité où les personnes sont moins à risque, soient regroupés.
Merci à l'avance !
Bonjour Philippe,
Merci pour ta réponse très complète et éclairante, comme c'est ton habitude. Les points que tu soulèves vont dans le sens de mes préoccupations afin de rendre nos UP, plus fonctionnelles et sécuritaires, en faisant appel à une gestion équilibrée des besoins des résidents et de la dotation du personnel soignant.
Assurément, le point sur lequel je me propose de travailler en priorité avec les équipes, sera de bien identifier les motifs qui amènent le besoin de déplacement du résident, en lien avec les SCPD. Bien entendu, la subtilité et l'adaptation sont de mise dans la mise en place de mesures de gestion de l'UP, considérant la diversité et la complexité des situations qui s'y retrouvent.
Encore merci !
Stéphane
Bonjour Stéphane,
Merci pour ta question, très pertinente et révélatrice des enjeux complexes que soulève la gestion des déplacements dans les unités prothétiques.
D’abord, il me semble important de rappeler que le terme unité prothétique recouvre plusieurs réalités. Selon les milieux, il peut désigner une unité destinée à des personnes ayant des troubles de comportement modéré et pour d’autres ce sera des comportements sévères, ou encore une unité pour des résidents vivant avec des enjeux de santé mentale. Cette diversité rend la question difficile à répondre.
Pour moi, une unité prothétique est avant tout conçue pour accueillir des personnes se situant aux niveaux 5 et plus du triangle de Brodaty. Ce sont donc les troubles comportementaux qui constituent le principal critère d’admissibilité, et non le niveau de mobilité. L’enjeu central devient alors la capacité des soignants à accompagner ces comportements de manière adéquate. C’est l’historique des comportements qui rend admissible une personne à cette unité.
C’est dans cette optique que les unités prothétiques comptent généralement moins de résidents et un ratio plus élevé de personnel. Cela permet une meilleure gestion de la cohabitation entre des personnes plus territoriales et celles ayant une mobilité variable, l’élément central demeurant la gestion des troubles du comportement.
En ce qui concerne les tapis de détection, tu as raison de souligner que cette technologie est ancienne et souvent mal utilisée. Trop souvent, l’alarme déclenchée ne mène qu’à une intervention visant à faire rasseoir la personne, sans investigation sur les causes de son déplacement. Or, ces comportements peuvent refléter des besoins sous-jacents – envie d’aller à la toilette, besoin de bouger, faim, ou simplement besoin de contact humain. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, la personne tentera de se relever à répétition, transformant l’alarme en source de stress pour tous.
Tu évoques aussi un point fondamental : la gestion du risque. Entre une personne isolée dans sa chambre avec un tapis détecteur, et une autre qui circule librement malgré un risque de chute, certaines familles choisiront le risque pour préserver une certaine qualité de vie, et éviter le déclin cognitif accéléré par la sous-stimulation. C’est une décision qui mérite réflexion au cas par cas.
Enfin, il existe aussi de nouvelles technologies, comme les systèmes radar de Living Safe, qui peuvent détecter de manière plus discrète et efficace les mouvements à risque.
En conclusion, je pense qu’il est essentiel que les critères d’admissibilité aux unités prothétiques soient bien alignés avec les objectifs de ces unités, soit la gestion des troubles de comportement, et non uniquement des enjeux de mobilité. Cela permettrait de créer des environnements mieux adaptés aux besoins des personnes, et de soutenir une véritable approche centrée sur la personne.
Si ma réponse est incomplète ou si d'autres questions te viennent, n’hésite surtout pas à m’en faire part. J’apporte ici mon regard avec beaucoup de respect pour les équipes sur le terrain, sans prétendre connaître tous les détails spécifiques à votre réalité.
Bien à toi,
Philippe