Merci de partager votre réflexion sur les tournées nocturnes et le programme « Bon dodo ». Votre question est tout à fait légitime et reflète une sensibilité importante à la fois aux besoins des résidents et aux conditions de travail du personnel soignant. Il est en effet pertinent de se questionner sur la logique des tournées systématiques la nuit, car une approche uniformisée ne répond pas nécessairement aux particularités de chaque résident.
L’importance d’une approche personnalisée
Pour déterminer si les tournées nocturnes doivent être maintenues ou adaptées, il est essentiel de tenir compte :
1. Du profil clinique des résidents : lésions de pression, incontinence abondante…
2. Des facteurs de risque : chute, lésion de pression, fuites importantes, etc.
3. De la vision des résidents et de leurs familles : Certains résidents souhaitent préserver leur sommeil à tout prix, tandis que d’autres pourraient préférer un sentiment de sécurité accru même si cela implique d’être réveillés.
En effet, le niveau de risque que l’établissement et les résidents sont prêts à tolérer est un élément clé de cette réflexion. Ce choix peut varier en fonction des attentes des familles, des ressources disponibles et des valeurs du milieu. Ceci dit, le dernier mot appartient au résident ou son représentant.
Une expérience concrète et des résultats probants
Dans le cadre de notre projet vitrine au CHSLD Faubourg, nous avons adopté une approche similaire à votre idée avec le programme « Bon dodo ». Nous avions complètement revu les tournées nocturnes pour les personnaliser selon les besoins de chaque résident. Résultat : aucun accident et même une réduction de l’utilisation des médicaments psychotropes au besoin. Le sommeil était évidemment moins interrompu. Ce changement avait également permis d’alléger la charge de travail des préposés de nuit, en leur permettant de se concentrer sur des interventions réellement nécessaires.
Les technologies comme alliées
Aujourd’hui, les avancées technologiques permettent d’atténuer les risques associés à l’arrêt des tournées systématiques la nuit :
- Surveillance visuelle et acoustique : Des technologies comme les caméras utilisées à la résidence Humanitae (par exemple celles de Bravad) permettent de surveiller discrètement les mouvements et les sons dans les chambres sans déranger les résidents.
- Systèmes radar : Des solutions comme Living Safe surveillent les mouvements et détectent les comportements inhabituels, alertant les soignants uniquement en cas de besoin.
- Produits intelligents : Des outils comme Tena SmartCare mesurent en temps réel le taux d’humidité dans les culottes d’incontinence. Cela permet d’effectuer des changements au moment opportun, évitant ainsi des interventions inutiles qui perturbent le sommeil.
Mon avis sur votre programme « Bon dodo »
Votre constat selon lequel 75 % des résidents sont changés la nuit sans véritable indication clinique souligne la nécessité d’un changement de pratique. Non seulement ces interventions perturbent inutilement le sommeil des résidents, mais elles contribuent également à la surcharge de travail du personnel de nuit.
Cependant, pour maximiser le succès de votre programme, il serait important de :
1. Former le personnel sur l’importance de préserver le sommeil des résidents et sur l’utilisation des nouvelles technologies si disponibles.
2. Collaborer avec les familles pour expliquer les changements et obtenir leur adhésion.
3. Suivre et évaluer les impacts du programme
Votre initiative s’inscrit dans une vision moderne de la gestion des risques en CHSLD, où l’équilibre entre sécurité et qualité de vie est central. Ce type de réflexion est non seulement bénéfique pour les résidents, mais également pour le bien-être des soignants, en réduisant la surcharge inutile.
Enfin, pour votre information, j’aborde la question du sommeil et la gestion des risques dans cette formation de ma plateforme :
3.19 : Trouver l’équilibre dans la gestion des risques
Merci pour votre question!
Philippe